Le 12 février 2018, jai enfin pris la décision de faire le tour du monde. Un mois après, j’étais SDF. J’ai liquidé toutes mes possessions, j’ai rendu les clés de l’appartement que je louais et hop ! plus de maison ni d’adresse. Depuis, techniquement, je suis SDF.
Et là tu te dis : Mais quelle mouche l’a piquée ? (Si si, tu te dis ça.) Ben ça ma pris là-comme-ça. Enfin non, pas tout à fait là-comme-ça. Je t’explique.
J’ai toujours eu envie de faire le tour du monde, de voyager, d’aller voir les merveilles de notre planète. Une vision très romantique et idyllique de liberté, de découverte, de voyage initiatique. Seulement ça fait quand même un peu flipper sa race tout cet inconnu, tout cet inconfort en perspective. Cette envie vivace s’est donc fossilisée en fantasme utopique, objet permanent de ma liste « un jour/peut-être ».
Et puis j’ai eu 40 ans. C’est un événement qui m’a beaucoup fait travailler du ciboulot là-haut, genre crise de la quarantaine bien corsée parsemée de questions existentielles sur l’utilité de ma personne. Ça fait tout de même quelque chose de se retrouver au milieu de sa vie et de se demander ce qu’on va bien pouvoir faire de la seconde partie, sachant que la première partie a majoritairement été bien pourrie. Mais qu’est-ce que je vais bien pouvoir faire quand je serai grande ? De plus, l’idée d’arriver au moment de ma mort et d’avoir des regrets m’insupporte. Oui, je pense à ma mort. Pour mieux penser à ma vie. Logique. Pour l’instant, je n’ai aucun regret, mais je sais que ne pas faire le tour du monde pourrait en être un très pesant et déprimant.
J’ai donc 40 ans et il me prend la lubie de mettre en place un plan quinquennal sur 5 ans (pardi !) avec comme objectif : pour mes 45 ans, je pars faire le tour du monde. Enfin, NOUS partons faire le tour du monde, mon mari et moi. Mon ex-mari. Nous avons divorcé quelques mois après cette décision. Aucun rapport. Mes priorités ont soudainement quelque peu changé. Cœur brisé, changement d’appartement, et même changement de boulot, réappropriation de mon état de célibataire et forcément, retour à mon état naturel de solitude, toussa toussa.
J’ai beaucoup grandi pendant cette période post-divorce, beaucoup appris. Je me suis affirmée, développée, je me suis mieux comprise. J’ai même pris mon courage à deux mains pour enfin savoir si mes suspicions d’autisme étaient justifiées. Elles le sont. Quel putain de soulagement ! Depuis, je m’autorise à accepter mes difficultés, celles que je (me) cache depuis toujours, à être plus douce avec elles, plus douce avec moi, parce que maintenant j’en comprends les raisons. Je t’assure, ça soulage, ça libère.
Me voilà donc libérée d’être autiste, libre d’être divorcée, et dans l’obligation d’aller chercher un nouveau job… L’ancien, j’te jure, c’était plus possible. Invivable. La grande question est alors : mais qu’est-ce que je vais bien pouvoir faire ? (Oui, encore) Des années que je suis Secrétaire/Assistante de Direction, j’ai envie d’évoluer, je me dis que je dois monter en grade, peut-être Office Manager, à défaut de DAF. Peut-être me former. Je remanie mon CV, refond ma lettre de motivation, regarde les offres d’emploi… mais le cœur n’y est pas. Pire, je me mets à angoisser à chaque fois que je dois appuyer sur la touche « envoie » de mon email de candidature, le genre d’angoisse qui t’opprime toute la cage thoracique et te fait monter les larmes aux yeux. L’idée d’investir tout mon temps à travailler pour quelqu’un qui en a rien à foutre de moi me donne la nausée. Je ne peux plus.
Et cette idée de partir qui m’obsède. Tout quitter et voyager. Entêtant. Encore et encore. Je me retrouve dans l’incapacité totale d’envisager autre chose. Je ne vois qu’une seule voie.
Et tadaaaa ! Je suis SDF ! À planter des arbres à Haïti un an après. Cool. Toutes mes peurs et incertitudes se sont envolées au moment où j’ai pris ma décision. Les points sont enfin reliés. Tout prend sens. Le voyage sera ma vie.