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L’allégorie du paysan

Je suis autiste Asperger. J’en ai eu la confirmation début 2018, j’avais 42 ans. Diagnostic tardif, qu’ils disent. J’en conviens. Heureusement que je m’en doutais, c’est bien pour cela que je suis allée passer les tests.

Depuis, des tonnes de questions m’assaillent, notamment ces trois-là :

  • Comment se manifeste mon Asperger ?
  • Quelle influence a-t-il eu dans ma vie ?
  • Quelles conséquences cela a pour moi aujourd’hui ?

Je dois t’avouer qu’il m’est très difficile de démêler tout ce bazar.

Prenons le bitin dans l’ordre. L’Asperger est un TSA – Trouble du Spectre Autistique. Il a 3 composantes principales :

  • Déficit de communication
  • Déficit social 
  • Intérêts restreints

S’ajoutent parfois quelques spécificités plus ou moins présentes, comme la maladresse, les particularités sensorielles, l’innocence, l’incapacité de mentir, le respect des règles, et j’en passe.

Moi, ma plus grosse difficulté, c’est l’incompréhension. J’t’explique.

Prenons un paysan de la fin du XIXe siècle, ou par là.. moi et l’histoire… merci de faire l’impasse sur les anachronismes. Je te présente donc Grégoire, paysan de son état quelque part au fin fond de la Corrèze. Il a 27 ans, ce qui est déjà bien vieux vu que son espérance de vie dépasse difficilement les 40 ans. Il possède quelques acres qu’il cultive avec sa femme et ses 4 enfants, ceux qui ont survécus. Il se rend en ville une ou deux fois par mois pour y vendre sa production sur le marché. Enfin… ville… c’est plutôt un village d’à peine 500 âmes, mais pour lui, c’est la ville. Il a entendu parler des progrès techniques, de la machine à vapeur, toussa. Une voiture est même passée en ville une fois. C’est ce qu’on lui a raconté. Bref, vie difficile mais simple et claire.

Et bien tu prends le Grégoire et tu le téléportes aujourd’hui, à midi, en plein milieu de Tokyo, et tu auras une bonne idée de comment je me sens (sentais, soyons franche) dans ce monde. La claque dans ta gueule ! Le putain de décalage ! Tout est différent ; les gens, le langage, les visuels, les codes sociaux, les bruits, les odeurs… Tout est terrifiant, abasourdissant. C’est l’enfer. Une autre planète. Ce n’est clairement pas mon monde. 

C’est donc dans ces conditions-là que je suis née. Moi, je naviguais au milieu de tout ça la peur au ventre, terrifiée, angoissée. Mais je ne me rendais pas vraiment compte de toute cette douleur. Je ne m’en rendais pas compte parce que j’ai été obligée de me déconnecter de moi-même pour pouvoir encaisser et survivre. Ne pas écouter ses sensations, ses sentiments, ses inconforts. Mais parents ne s’y sont pas trompés pour le coup en me surnommant Miss Téflon ! Tout glisse sur toi, qu’ils disaient ! Ben oui, méthode de survie. Ne pas se laisser transpercer par la souffrance. 

Je t’assure, je n’y comprenais rien à rien. J’étais totalement dépassée par les événements. Et pourtant jai géré. Et pourtant j’ai appris. Je suis même très fière de m’en être sortie aussi bien ! 

Voilà pourquoi ce tour du monde est si important pour moi. Le diagnostic Asperger a mis en lumière combien j’étais déconnectée de moi-même. Alors je veux me connecter, je veux me connaître, au-delà des mécanismes de compensation et d’adaptation que j’ai pu mettre en place. Et continuer d’en apprendre sur ce monde et ses habitants. C’est peut-être mon monde, finalement.

Et toi, tu as peur des fois ? C’est quoi tes difficultés au quotidien ? (Parce qu’on est d’accord, pas besoin d’être autiste pour rencontrer de grosses difficultés dans la vie, hein ?)

Cadeau Bonux : Je te mets la vidéo d’un ami rencontré à Santo Domingo. L’histoire raconte comment tordre le coup à ses démons. Enjoy!

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