L’autre jour, je discutais avec un monsieur qui ouvrait sa boutique en retard parce qu’il y avait beaucoup de vent et que ça lui rappelait Irma (je suis à Saint-Martin en ce moment) et qu’il voulait s’assurer que tout irait bien chez lui. Il me raconte un peu comment cela s’est passé. Comment raconter l’enfer ?
Le bruit morbide du vent, la maison qui bouge, le calme de l’œil, et l’enfer de la deuxième partie. Son chien ne s’y est pas trompé et a commencé à hurler à la mort… Ils s’étaient réfugiés dans une pièce solide et sans ouverture, de laquelle ils ont mis 6 heures à sortir… Mais bon, ça va, il n’y a pas eu de gros dégâts chez lui, il n’a rien perdu à part sa terrasse, il n’a pas à se plaindre… Avancer coûte que coûte.
Pas à se plaindre. Il s’est pris la mort sur la tête et a failli finir enterré vivant mais à part ça, il se refuse à « se plaindre ». Il ne veut pas envisager que cela est, encore aujourd’hui, un traumatisme. Comme si ne pas le regarder le faisait disparaître. Sauf que quand il en parle, son corps le ressent bien, ce trauma. Ça se voit. Ça se ressent.
Mais parce qu’il y a eu pire conséquences pour d’autres, son « moins pire » n’a pas de valeur.
On a tous chez soi un placard à bordel, que ce soit un placard, un tiroir, ou une pièce entière. Moi, pendant des années, c’était tout mon appartement, mais c’est une autre histoire… C’est le placard où tu te dis que si tu mets le nez dedans, il vas te péter à la gueule et tu vas mourir enseveli de tout ce que tu y as entreposé et tenté d’oublier.
Sauf qu’il est toujours là dans ta tête, ce placard en bordel, parce qu’au fond du placard, sous les couches de trucs qui t’encombrent, et bien y’a des trucs que tu aimes bien, genre ton hobby préféré, ou un projet que tu avais commencé mais jamais terminé, tes vieux rêves enfouis sous des crasses et des merdes que tu as entreposées là à défaut de savoir quoi en faire. Et donc tu laisses tomber tes rêves, inaccessibles, là, tout au fond.
Et puis tu minimises l’impact que ce placard a dans ta vie, sur ton moral, sur ton mental, et puis tu te dis que tu as autre chose à faire, qu’il y a plus important et plus urgent, bla bla bla. Tu as tellement peur de ce que tu vas y trouver. Y’a des trucs qui ont moisi/pourri, c’est sûr ! Et tu les laisses diffuser leur pourriture sur tout le reste. Parce que c’est de cela dont il s’agit, en fait. Les trucs pourris ne restent pas à leur place bien tranquillement. Non. Ils diffusent, propagent, gangrènent tout autour.
Tu as le droit de vouloir un placard bien rangé, même si ce n’est qu’un petit bordel.