Haïti est un pays très sec. À un moment, il a plu. Beaucoup. À trois ou quatre reprises en l’espace d’une poignée de semaines. Du coup tout fleurit, tout verdit, et c’est magique ! Ou pas…

Parce qu’il n’y a pas que les plantes qui en profitent. Les insectes aussi. On a vu éclore plein de bébés tarentules qui grimpent partout, et une explosion de moustiques infernale. Ô gratitude pour mon hamac avec moustiquaire intégrée, mon refuge qui flotte au dessus du sol !
Quand tu marches dans Sadhana ou dans la rue, l’odeur fraîche et fleurie du neem saisit par surprise ton nez qui se met à renifler frénétiquement pour en faire profiter tous tes récepteurs nasaux. Comme quand l’odeur du chèvrefeuille te happe. Un délice !

Le neem a d’adorables petites fleurs blanches et des grappes de feuilles fournies. On s’en sert pour purifier l’eau utilisée pour se laver les mains et les fesses aux toilettes, comme on utiliserait une huile essentielle. Ce n’est pas parce qu’on vit dehors qu’on va laisser tomber l’hygiène, surtout quand tu vis en communauté, cqfd. L’odeur est particulièrement intense la nuit, ce qui rend la corvée de WC nocturne réjouissante.
Une multitudes de fleurs toutes choupinettes sont apparues grâce à la pluie. Je les photographie en rafale en m’esbaudissant de la force de la nature. Certains arbres ou plantes semblent morts, du moins je les croyais comme tels, mais en fait ils sont en pause en attendant d’exploser de vie à la moindre occasion. Vite vite, on fait des feuilles et des fleurs pour attirer les pollinisateurs. Vite vite on se reproduit et on reprend des forces jusqu’au prochain coup dur qu’on surmontera, com’ d’hab’.

Telle est la nature.
Telle est la nature humaine aussi.
Tu as remarqué comme il arrive toujours une couille par surprise et comme tu t’en sors toujours ? C’est balaise, non ? (Tiens, je crois que c’est la première fois de ma vie que j’écris ce mot, balaise…). Petites ou grandes couilles d’ailleurs, genre la santé/la vie/la mort/l’amour (spéciale dédicace !) ou “merde j’ai raté mon bus”. L’humain m’impressionne par sa capacité à surpasser les obstacles et à rebondir. Du coup, quand il m’en arrive une, de couille, et bien je relativise beaucoup. J’ai du mal à trouver que c’est grave ou trop injuste ou trop dur. Comme là, je viens de me bloquer le dos. Ben j’avais qu’à le faire mon putain de yoga ! Allez hop hop hop au boulot ! Pis je ferais un peu plus attention aux signaux de mon corps quand je planterais des arbres la prochaine fois. Ça ira mieux bientôt.

Je ressens cette force, cette résilience, intensément chez les haïtiens. Comme le dit si bien mon ami Nadia, à toute force est opposée une force contraire. Là est l’équilibre. Ce coin du monde en est la parfaite illustration. C’est un pays difficile, une vie à la dure. Pourtant le rire, la joie, et la musique sont omniprésents.
La violence aussi est partout. Les enfants sont battus à coup de ceinture, travaillent dur, sont parfois considérés comme des esclaves par leurs propres parents, et pourtant ils t’offrent les sourires les plus francs et les plus joyeux que j’ai jamais croisés. Les femmes aussi sont maltraitées, mais proximité aidant, tout le quartier est au courant, et les voisins s’en mêlent joyeusement et permettent de désamorcer la crise. Les hommes ne sont pas en reste, ils se battent et s’entretuent, pour un simple orgueil mal placé. Chaque famille a vécu la violence du deuil, parfois sous leurs yeux. Pourtant personne ne meurt de faim, la communauté prend soin à n’oublier personne, à ne laisser personne derrière. Et quand vient le soir, les chants exorcisent les malheurs, les danses rythment la communion des individualités, les transes promettent des jours meilleurs.
Moi je garde le souvenir d’un pays simple et joyeux, où tout est prétexte à s’enrichir les sens et les émotions, où le temps progresse dans une autre dimension, où l’étincelle vitale se tapit dans chaque goutte de pluie.
Et toi, tu la sens la force de la nature en toi ?
Tu te rends compte de tous les obstacles que tu as traversés avec succès ?
Hey Virginie, je suis en plein deux centimes (toi-même tu sais comme disent les jeunes) et je voulais te laisser un commentaire parce que tes deux derniers articles m’ont beaucoup touchée. On sent à quel point Haïti a été un point d’étape fort pour toi. J’ai adoré imaginer l’odeur des fleurs que tu décris, et essayer de te représenter dans ton quotidien. J’espère que tu vas continuer à écrire des articles comme ceux-là, avec une ambiance telle qu’on dirait que tu me prends la main et m’entraine dans ton périple ! Thanks <3
Merci pour tes deux centimes ! ✌️
Haïti aura été pour moi l’occasion d’éliminer beaucoup de mes peurs, sans même m’en rendre compte, tout en douceur 🌱